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Incidents graves aux urgences : des drames qui questionnent familles et soignants

Ces derniers mois, plusieurs décès aux urgences ont nourri les pages des journaux et la chronique des défaillances supposées des hôpitaux. Ces drames auraient-ils pu être évités ? C’est l’histoire de Lucas, 25 ans, mort aux urgences d’Hyères (Var), après plusieurs heures passées sur un brancard, fin septembre 2023, et dont les parents portent aujourd’hui l’affaire en justice. Celle d’une patiente âgée, à Nantes, décédée le 2 janvier après quatre heures dans la « file d’attente », alors que d’autres histoires similaires sont remontées de Strasbourg, de Grenoble, de Bordeaux… Dans cette dernière ville, durant l’été 2023, l’émotion a été vive après le parcours chaotique d’une femme enceinte, ballottée de service en service, dont le bébé est mort à l’hôpital.
Ces incidents donnent l’impression de se multiplier, même si rien ne permet de l’affirmer catégoriquement – ni de l’infirmer. Dans le jargon de la santé, on parle d’« événement indésirable grave associé aux soins » pour qualifier un événement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie du patient, et dont les conséquences sont soit le décès, soit la mise en jeu du pronostic vital, ou encore la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent.
Année après année, les données publiées par la Haute Autorité de santé (HAS) sur le sujet sont certes à la hausse – soit 2 385 incidents en 2022 contre 1 874 événements en 2021 –, mais la HAS le reconnaît elle-même : l’évolution est à mettre au crédit d’une « culture » de la déclaration qui progresse dans les établissements de santé, où ces événements sont loin de remonter systématiquement. Ils sont au contraire largement sous-déclarés, souligne la HAS. Ces chiffres recoupent des situations diverses, allant du défaut ou du retard de prise en charge à l’erreur de diagnostic ou médicamenteuse, de la prescription inadaptée jusqu’aux complications d’un acte thérapeutique.
« Il n’y a aucun instrument de mesure solide, confirme Marc Noizet, le patron de SAMU-Urgences de France. Ce qui est certain, c’est que rien ne permet aujourd’hui à ces incidents de diminuer, alors que le nombre de services asphyxiés ne cesse de progresser. » Sans surprise, les urgences, porte d’entrée de l’hôpital, sont bien souvent pointées.
« Les urgences sont par essence un milieu à risque, rappelle Mathias Wargon, chef des urgences à l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Parce que les patients, dont on ne connaît pas toujours l’historique, y arrivent très nombreux, que les équipes tournent beaucoup, que les interruptions de tâches sont fréquentes, que chaque soignant peut avoir à suivre dix, douze, quinze patients en même temps, explique l’urgentiste. Et, dans cette course contre la montre engagée pour trouver le bon diagnostic, c’est parfois la maladie qui l’emporte. » D’autres médecins le rappellent : les urgences constituent aussi un lieu de « rupture », voire de « brutalité », car les familles ou les proches ne sont souvent pas admis à l’intérieur de ces services, contrairement à d’autres étages de l’hôpital.
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